La loi au-dessus de la coutume : la jurisprudence de la Cour africaine et l'avenir du PAP - AFRICAN PARLIAMENTARY NEWS

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Sunday, October 5, 2025

La loi au-dessus de la coutume : la jurisprudence de la Cour africaine et l'avenir du PAP

Cour africaine des droits de l'homme et des peuples

Par Olu. Ibekwe

Dans la vie de toute institution, il arrive un moment décisif où la fidélité à la loi est mise à l'épreuve face au poids des coutumes ou des pratiques bien établies. Pour le Parlement panafricain (PAP), ce moment est venu. Au cœur des débats actuels sur la durée du mandat du Bureau, la rotation et les règles internes se pose une question simple mais profonde : la pratique institutionnelle peut-elle prévaloir sur les dispositions contraignantes du Protocole du PAP ?

La réponse, solidement fondée sur le droit conventionnel et la jurisprudence de l'Union africaine (UA), est non. Le Protocole instituant le Parlement panafricain est un traité ratifié et, selon la logique même du droit international, il prime sur les coutumes ou pratiques informelles qui ont pu s'immiscer dans le fonctionnement quotidien de l'institution.

 Les enseignements de la Cour africaine

La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples s'est déjà prononcée à plusieurs reprises sur cette tension précise entre le droit et la pratique.

Dans l'affaire APDH c. Côte d'Ivoire (2016), la Cour a été confrontée à un système électoral conforme à la pratique nationale, mais incompatible avec les traités continentaux tels que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG). La Cour a statué sans équivoque que la Côte d'Ivoire avait manqué à ses obligations :

“La Cour statue que l'État défendeur a manqué à son obligation d'établir un organe électoral indépendant et impartial, comme le prévoient l'article 17 de la CADEG et l'article 3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie [...] et ordonne à l'État défendeur de modifier la loi n° 2014-335 [...] afin de la rendre conforme aux instruments susmentionnés dans un délai de douze (12) mois.”

La pratique, aussi bien établie soit-elle, ne constituait pas un moyen de défense

 Ce point a été réaffirmé dans l'affaire Suy Bi Gohoré Emile et autres c. Côte d'Ivoire (2020), lorsque la Cour a estimé que les modifications législatives ultérieures apportées par la Côte d'Ivoire ne répondaient toujours pas aux normes du traité :

 

“La Cour estime que l'État défendeur n'a pas pleinement respecté ses obligations au titre de l'article 17 de la CADEG et de l'article 3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie [...] et ordonne à l'État défendeur, avant toute élection, de prendre les mesures nécessaires pour mettre la loi n° 2019-708 en pleine conformité avec les instruments susmentionnés.”

Une fois de plus, la Cour a estimé que les États ne peuvent se conformer que partiellement ou s'appuyer sur des dispositions bien établies ; la seule mesure valable est la mise en conformité totale avec les instruments de l'UA.

 L'affaire Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso (2014) est encore plus frappante. Dans cette affaire, la Cour a invalidé des lois pénales sur la diffamation qui étaient parfaitement légales en vertu du régime interne du Burkina Faso, mais incompatibles avec la Charte africaine et le PIDCP. Ce faisant, elle a affirmé la primauté des traités ratifiés sur le droit et la pratique nationaux.

Primauté des traités sur la pratique : un principe établi

 La jurisprudence de la Cour africaine montre clairement que la primauté des traités et protocoles ratifiés sur les coutumes ou pratiques est désormais un principe établi dans l'ordre juridique de l'Union africaine.

Dans l'affaire APDH c. Côte d'Ivoire, la Cour a rejeté l'argument fondé sur la pratique nationale et a ordonné à l'État de modifier ses lois afin de les mettre en conformité avec la CADEG et le Protocole de la CEDEAO. Dans l'affaire Suy Bi Gohoré Emile, elle a réaffirmé que même des réformes partielles ou des dispositions législatives bien établies sont insuffisantes si elles ne satisfont pas aux normes du traité. Et dans l'affaire Lohé Issa Konaté, elle a estimé que le droit pénal national devait céder le pas à la Charte africaine et au PIDCP.

 Ensemble, ces affaires établissent une jurisprudence constante : une fois qu'un État membre de l'UA a ratifié un instrument juridique, ses dispositions prévalent sur les lois nationales, les dispositions administratives ou les coutumes contradictoires. Ce principe, qui a été clarifié à plusieurs reprises par l'organe judiciaire de l'UA, n'est plus contestable au sein du système de l'UA.

Pour le PAP, la conséquence est directe : les articles 12.3 et 12.4 du Protocole du PAP ne peuvent être affaiblis, suspendus ou réinterprétés par la coutume ou la pratique. Le Protocole est suprême, et l'alignement institutionnel est à la fois une obligation légale et une nécessité politique.

 Un Parlement ancré dans le droit

La lutte entre le droit et la pratique n'est pas propre au PAP ; c'est un défi permanent pour la gouvernance à travers le continent. Mais dans le cas du PAP, les enjeux sont plus importants. En tant qu'organe législatif de l'Union africaine, le PAP ne peut se permettre de transiger sur le principe de la primauté des traités. Cela éroderait sa propre légitimité et affaiblirait son autorité pour exiger des États membres qu'ils se conforment aux traités.

 La Cour africaine a fourni une feuille de route claire : les traités prévalent, la pratique s'efface.

Pour le PAP, la voie à suivre n'est donc pas ancrée dans la nostalgie des coutumes passées, mais dans une stricte fidélité au Protocole. C'est ainsi que le Parlement pourra non seulement résoudre ses débats institutionnels actuels, mais aussi s'affirmer comme un gardien crédible de la légalité continentale.

Conclusion

 La primauté du Protocole du PAP sur la pratique n'est pas un principe abstrait. Il s'agit d'une réalité judiciaire vécue à travers toute l'Afrique, affirmée à maintes reprises par la Cour africaine. Le Parlement a désormais la possibilité, voire l'obligation, de s'aligner sur cette jurisprudence.

 Ce faisant, il démontrera aux États membres, aux citoyens africains et au reste du monde que, dans le cadre du PAP, c'est le droit, et non la coutume, qui définit la légitimité.

Et qu'il n'y ait aucune ambiguïté : les avis du Bureau du conseiller juridique (OLC) sont de nature consultative. Ils peuvent guider l'interprétation, mais ils ne peuvent pas passer outre ou affaiblir la force contraignante d'un traité ratifié. Le Protocole du PAP est un traité loi. Ses dispositions sont contraignantes, et non facultatives ; suprêmes, et non négociables. Toute tentative visant à soumettre ses règles claires à la « pratique » ou à les réinterpréter par le biais d'avis consultatifs constituerait un profond écart par rapport à l'état de droit au sein du système de l'UA.

Le message est donc sans équivoque : l'OLC peut donner des avis, mais c'est le Protocole qui commande. Sa suprématie ne peut être négociée.

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Points clés à retenir : Primauté du traité sur la pratique

La jurisprudence de la Cour africaine est claire

·       APDH c. Côte d'Ivoire (2016) : la pratique ou le droit national ne peuvent justifier un écart par rapport aux traités de l'UA. La Côte d'Ivoire a été condamnée à modifier sa loi électorale afin de la mettre en conformité avec la CADEG et le protocole de la CEDEAO.

·       Suy Bi Gohoré Emile & autres c. Côte d'Ivoire (2020) : les réformes partielles restaient insuffisantes ; la Cour a réaffirmé que seule une conformité totale avec les instruments de l'UA était acceptable.

 

·       Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso (2014) : les lois nationales sur la diffamation ont été invalidées car incompatibles avec la Charte africaine et le PIDCP — les traités prévalent sur les lois nationales bien établies.

Un principe établi de l'UA

·       La primauté des traités et protocoles de l'UA sur les coutumes, les pratiques ou la législation nationale est désormais une jurisprudence constante de la Cour africaine.

·       Une fois ratifiés, les instruments juridiques de l'UA doivent être appliqués, indépendamment des pratiques institutionnelles contraires.

Implications pour le PAP

·       Les articles 12.3 et 12.4 du Protocole du PAP relatifs au mandat et à la rotation du Bureau ne peuvent être réinterprétés ou affaiblis par une « pratique de trois ans » ou toute autre coutume.

·       La nouvelle clause de primauté figurant dans le règlement du PAP est pleinement conforme à la jurisprudence de la Cour africaine.

·       La crédibilité du PAP dépend de l'application du même principe de suprématie des traités qu'il exige des États membres de l'UA.

Conclusion

Les traités prévalent, la pratique cède.

·       Pour le PAP, le strict respect du Protocole est à la fois une obligation juridique et une nécessité politique.

 


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